BERCEUSE
TAHAR LAKNIZI
Dors mon petit pour faire de beaux rêves !
Même si la guerre n’a pas de trêve .
Quand l’Homme s’est assoupi en nous ,
Le temps s’est déguisé en loup ;
Il dégaine sa violence inouïe
Et arpente les ruelles chaque nuit .
En guettant le petit chaperon rouge ,
Il plante dans tout ce qui bouge .
Ses griffes et ses crocs saignants
Et son regard le plus poignant
Aussi blesse-t-il toute frêle brise douce
Et égratigne les fines pousses .
Pour avoir mis les rêves en sac ,
Sans répit les cauchemars le traquent .
L’Aube démasquera cet immonde
Qui sera la risée du monde .
Dors mon bien aimé ! comme une flûte
Qui , filant une mélodie brute ,
Elle en fait des draps de tendresses
Que toutes les mamans brodent sans cesse
De leurs doux baisers et caresses
Pour toutes les petites âmes en détresse .
Demain , les fusils meurtriers
Seront des blés et des dattiers
Et les champs minés des vergers
Vous y rôderez sans danger
Sans avoir peur des balles perdues
Des canonnades et des obus
Et des avions qui font frémir
Vos rêves nichant dans nos désirs
Demain sera beau comme le cœur
D’un lys qui dévoile son odeur .
